Lors de ses passages ou de ses visites dans différentes régions d’Europe et du monde, Ioannou ne quitte jamais son appareil photo, grâce auquel elle capture des objets saisis dans leur quotidienneté et leur domesticité : escaliers, cuisines, chambres, autant d’espaces intérieurs qu’elle envisage avant tout comme des images pures, doublées de références aux vanités baroques.
Amas d’objets entremêlés, ses dessins cherchent à recomposer un point de vue abstrait. Tout y est retranscrit sur le même plan, selon le principe du collage.
L’objectif n’est pas ici de faire illusion mais de laisser ces artefacts surgir, jaillir, de leur cadre blanc, et de leur redonner une autonomie métaphorique : sortis de tout contexte, devenus célibataires, ces signes quotidiens, loin d’être abattus par la plongée verticale que leur impose l’artiste, se livrent crument à l’œil.
Les dessins méticuleux d’Elina Ioannou se jouent d’une précision clinique pour laisser transparaître leur charge symbolique : que peut nous dire un simple bac à douche, isolé, solitaire même, que peuvent évoquer ces détails à nu, le dessin des stries antidérapantes, la vaisselle sale gisant dans un évier, le lit défait sur lequel viennent s’aplatir sèche-cheveux, palmes de natation ou pivoines, si ce n’est justement l’absence, la vacuité, un embryon d’histoire encore à accomplir, à peupler ? Peut-être est-ce là une façon de nous inviter à entrer dans son monde, à peupler justement ses créations, à prendre la place laissée vacante ?
Jean-Christophe Arcos